Aller - Retour" Paris 26 Avril 2018 - Point Ephémère.
Baptème pour Yann Merlin Photographe reporter et poète qui s'aventure à tester la rue comme espace pour montrer une de ses images de migrants africains qui traversent la Méditerranée...
Pour ce, il joint le collectif UN2 (Patrick Pinon et moi) pour faire Un3 ou une autre forme de UN NOUS bref... La poésie de l'improvisation est palpable.

Après "Aller-Retour" notre collaboration à Paris en Avril, Yann Merlin et moi décidons d'intervenir pendants "Les Rencontres Photographiques d'Arles", totalement "Off" avec une oeuvre éphémère de 3 mètres sur 4.

La rue est un dialogue avec d'autres, mais c'est souvent aussi un extraordinaire moyen de travailler et faire la connaissance avec des artistes qu'on rencontre.
Dans les années 80 on se réunissait en groupe d'interventions urbaines, comme on aurait formé des groupe de Rock...  Banlieu-Banlieu, les Musulmans Fumant...  Etudiant au Art Décoratif je participe à la création du groupe Les Frères Ripoulins. Electron libre j'ai participé à d'autres formations et collaboré dans des balades d'Actions Urbaines avec Jerome Mesnager, Bleck le Rat, Bau Geste, Antonio Gallego....
Dans les année 90 se développe petit à petit un Collectif nommé "Un-Nous". Qui réunis des artistes issus de ces mouvance de la décennie précédente..
Ma plus longue collaboration à été avec mon amis Patrick Pinon avec qui nous signons maintenant UN2.

Composer à plusieurs dans un contexte donné. L'image connoté par le contexte, le lieu ou il se trouve
Collages d'espaces graffiques où les différences dialoguent et des mondes se rencontrent.
Montage comme au cinéma... La magie est entre les images, dans l'entre deux.

Deux peintres, deux visions, deux amis, et un dialogue. Comment en arriver là ? Que ces personnalités si différentes aient, depuis maintenant presque trente ans, tant à se dire ? Aient finalement tellement besoin l’un de l’autre pour compléter chacun sa phrase individuelle ? Pour celui qui a suivi ces trajectoires, s’éloignant de temps à autre, puis se rejoignant pour repartir de nouveau sur des tracés apparemment distants… Mais en fait, non. Sous-entendu, la conversation continue, en sourdine, avec le trait, et puis aussi, dans un respect mutuel, et une compréhension rare.
Mais quels sont donc ces traits ? Car il y en a… le coup de pinceau et le caractère derrière en apparence si différents.

L’un, PP… Ouvrier de la couleur et de la proclamation. Un labeur dans la présentation où la matière est lourde dans sa présence — pas des masses étalées au couteau — mais un rapport organique au médium. Compte — peut-être même plus que l’image — l’effort à graver le lino, d’appliquer la peinture au rouleau, d’étaler le papier, la toile, la colle, la danse implicite du geste. Oui, le geste se répète, et ce faisant, une solidarité s’établie entre artiste et matière. D’abord, c’était ce rapport purement matériel, à la couleur, au trait, qui caractérisait son travail — l’abstraction du début. Mais depuis longtemps maintenant, une représentation de matières à penser. L’écologie, l’expression humaine par le corps, le sport, la danse, et finalement, depuis quelques années, ce corps du/au travail, le réfugié, l’immigrant. Je disais donc, un geste qui pense. Qui dit en se répétant au jour le jour, d’année en année, où la toile devient le reste d’une représentation de la corporalité de l’expérience — d’où l’insistance sur l’éphémère chez cet artiste qui continue à afficher dans la rue, papier de soie, dont quelques jours de pluie ne laisse que des lambeaux épars… un mot, un visage peut-être.

L’autre, Rafael Gray… Une autre grammaire picturale. La peinture comme spectacle. Récurrence de la mise en scène, du grand, de la couleur primaire et du contraste visuel. Dans l’attraction pour le film, en 35mm bien-sûr, mais aussi pour les installations où la profondeur, la toile sur les planches, joue presque toujours un rôle central. Et puis les sujets : la corrida, le cirque, et n’oublions pas la femme nue, en exhibition elle aussi, mais toujours plus grande que nature (Russ Meyer, et un lien de parenté avec Darlene Gray ?). Le désir est mondial ; ici, nous allons vers une toile qui englobe, de manière spectaculaire comme ces toiles du peintre qui font le tour de la planète. C’est une pensée finalement métaphysique qui se met en place, qui assoiffe, mais qui par sa méthode et son ambition a fondamentalement besoin d’arrêt, de la pose, de la pause. Car le spectacle doit, cela va sans dire, se voir et se renouveler, se donner, une nouvelle raison d’être, se réviser. Ici, nous suivons moins le geste mais la pensée, l’expérimentation, ces moments de joie et d’angoisse qui se succèdent dans la poursuite de l’effet absolu.

Question finale : d’où viendrait la rencontre entre ces deux traits, ces esthétiques en apparence si divergentes ? Le lieu, tout d’abord et puis l’affiche en commun. Celle politique de PP, l’annonce de spectacle de Rafael. C’est la rue qui les rassemble dans la complémentarité où chacun donne voix à l’admiration qu’il a pour l’autre, et dans la continuation symbolique d’une amitié qui reste là où elle a commencé. Dans la rue, car la rencontre a eu lieu dans le monde des graffitistes au début des années 80 et si la vie a transformé les formats, les idées, les supports, et même les styles, ce retour régulier à la rue est la marque sur le chemin de deux âmes soeurs qui se rejoignent encore une fois ici, qui retrouvent une jeunesse, une liberté, et une raison aussi à la maturité du style. Suivez des yeux la trace du dialogue et sachez que vous êtes suspendus ici dans un sublime partage continu.
Pim H.